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"On est une génération qui va permettre le changement": la candidate trans Jill-Maud Royer explique les raisons de son engagement

La candidate Jill-Maud Royer explique les raisons de son engagement dans les Hauts-de-France

La candidate Jill-Maud Royer explique les raisons de son engagement dans les Hauts-de-France - Jill-Maud Royer

BFMTV a interrogé la militante trans et féministe Jill-Maud Royer sur les raisons qui l’ont poussée à devenir co-cheffe de file pour La France insoumise (LFI) dans les Hauts-de-Seine.

Jill-Maud Royer est responsable des outils numériques pour La France insoumise (LFI). À 28 ans, cette militants trans et féministe se présente aux élections régionales en Île-de-France en tant que co-cheffe de file de la liste LFI dans les Hauts-de-Seine. Elle a détaillé à BFMTV.com les raisons pour lesquelles elle a décidé de s’impliquer dans ce scrutin et a expliqué pourquoi il est important que les personnes LGBT soient présentes dans les institutions politiques, où elles sont encore rares.

Quand et comment vous êtes-vous lancée en politique?

Je milite depuis que j’ai 16 ans. Ce qui a motivé mon engagement étaient les réformes lycéennes et les mouvements sociaux: j’ai eu une socialisation militante assez classique.

J’ai d’abord été au Parti de Gauche, puis au "Mouvement pour la VIe République" quand Jean-Luc Mélenchon l’a lancé en 2014 et je me suis enfin impliquée au sein de La France insoumise (LFI) lors de la campagne présidentielle de 2017. En 2014 j’étais responsable des outils numériques du mouvement, une tâche que j’ai assumée en 2017 et que je prends de nouveau en charge pour 2022. Je n’ai jamais été candidate, les élections régionales constituent une première pour moi.

Pourquoi avez-vous décidé de vous présenter pour les régionales?

J’ai trouvé important de me présenter à ces élections car les enjeux régionaux m’intéressent beaucoup. Quand je suis montée à Paris pour mes études, au début des années 2010, j’ai pas mal milité pour la campagne présidentielle de 2012 sur le terrain, notamment dans les Hauts-de-Seine. J’avais travaillé avec Pascale Le Néouannic, qui était conseillère régionale à l’époque, ce qui m’avait permis d’aborder les questions et problématiques de la région.

Je m’engage également car, depuis quelques années, je suis plus visible comme militante trans. Peu de responsables trans sont présents au sein des formations politiques. Il y a un véritable enjeu à ce que les personnes LGBT existent en politique. Par rapport à la place qu’elles occupent dans la population française, on a clairement une sous-représentation dans les institutions politiques, en particulier pour les femmes lesbiennes et transgenres, deux identités dans lesquelles je me situe. C’est un vrai problème car ces personnes sont un peu oubliées des politiques publiques.

La question de la représentation a, enfin, de l’importance pour briser un cercle vicieux. On pense que c’est toujours les mêmes qui se présentent et on finit par croire que c’est possible seulement lorsque l’on voit quelqu’un à qui l’on peut s’identifier. Il y a quelques années je pensais que c’était impossible pour une personne trans d’être candidate à une élection. Beaucoup de choses ont bougé avec la nomination de Petra De Sutter comme vice-Première ministre chargée de la Fonction publique en Belgique, par exemple. Beaucoup de personnes trans ont obtenu des postes à responsabilité: c’est un changement radical.

La plupart des têtes de listes pour les régionales en Île-de-France se positionnent sur les questions LGBT...

Aujourd’hui, à part quand on veut officiellement être attaché à la Manif pour tous, c’est un peu compliqué de ne pas faire, comme Emmanuel Macron, le tweet "Aimez-vous les uns les autres et faîtes ce que vous voulez", lors de la journée de lutte contre l’homophobie et la transphobie. Mais au-delà des mots, la loi ne suit pas: quand on voit que le gouvernement continue de judiciariser le changement d’état civil pour les personnes trans et fait avancer lentement la PMA, quand il n’y a toujours aucune formation donnée aux forces de l’ordre et aux personnels administratifs sur l’accueil des personnes LGBT, quand tous les testing sur la discrimination dans les entreprises ne donnent lieu à aucune sanction…

C’est le problème que l’on a aujourd’hui. Les hommes et femmes politiques disent que les questions LGBT sont importantes, mais pour mettre en place des mesures de fond on se heurte à beaucoup plus de difficultés. Ce n’est pas une priorité quand il y a des choix budgétaires à faire. Je pense que cela marquera la différence entre des candidats qui acceptent des logiques d’austérité, de baisses de moyens, avec des conséquences notamment sur les associations. Tout le monde est d’accord pour mettre des petits drapeaux mais la différence se fait sur les moyens réellement consacrés ensuite.

Beaucoup de candidats LGBT pour les régionales sont en Île-de-France. Pensez-vous qu’il est plus facile de se présenter dans cette région?

Je pense qu’il existe plusieurs déterminismes à l’œuvre mais je ne ferai pas de paris. L’Île-de-France doit, de toute façon, faire particulièrement attention à ces questions. Plusieurs études prouvent que cette région occupe souvent une place importante dans les trajectoires de vie de personnes LGBT. Il s’agit de trajectoires un peu différentes avec des personnes quittant, à leur majorité, généralement plus tôt le foyer familial pour vivre plus librement leur sexualité ou leur identité de genre. L’Île-de-France est de fait refuge pour beaucoup de LGBT isolés car on y trouve des lieux de sociabilité qui vont permettre de sortir de cet isolement.

Le monde politique est encore peu composé de personnes LGBT, même si cela évolue. Avez-vous l’impression que ce monde peut faire preuve de LGBTphobies? Avez-vous été victime de propos ou d’actes transphobes au cours de cette campagne, et plus généralement depuis que vous faites partie de ce milieu?

Moi non. En tout cas, pas de la part de mon organisation ni de la part d’autres candidats. Évidemment sur les réseaux sociaux, comme il m’arrive de passer à la télévision, je reçois parfois quelques insultes. Mais je pense que c’est le lot pas seulement des personnes LGBT mais également des femmes.

On voit de plus en plus de personnes LGBT apparaître en politique mais on est loin du compte. Il y a une seule femme ouvertement lesbienne à l’Assemblée nationale, ce qui est ridicule par rapport à la part de lesbiennes dans la population française. Dans les organisations politiques, il y a plein de personnes LGBT, car ce sont des trajectoires de vie qui amènent plus au militantisme que lorsqu’on est hétérosexuel. La question est de savoir comment on fait pour qu’elles aient envie d’aller en avant, pour vaincre la peur des LGBTphobies et pour cesser de surestimer le niveau d’homophobie dans l’électorat et penser que ça constitue un obstacle.

Je pense que l’on a une génération de gens qui vont permettre de changer ça et de donner l’exemple aux autres. J’espère qu’aux prochaines élections régionales, je ne serai pas l’une des seules candidates transgenres de France.

Clément Boutin